Lettre ouverte aux Parlementaires Camerounais D’un examen médical du Président Paul Biya Par Me YONDO BLACK (*)
On a, en effet,
rarement vu au monde un peuple de l’espèce du peuple camerounais. S’il embrasse son ennemi, ce n’est
pas pour l’étouffer, mais pour le
conforter. Il n’y a pourtant pas d’autre chemin pour vivre en paix et dans
l’unité que d’œuvrer pour la paix, l’amour de l’autre, sans discrimination ni
dévalorisation, le tout dans la crainte de Dieu, à l’idée que demain nous
aurons à rendre compte pour chacun de nos actes. Et la paix, ce n’est pas la horde d’hommes armés jusqu’aux dents, soit disant pour assurer l’ordre et la sécurité ; le
vivre ensemble, ce n’est pas contraindre les citoyens, dans la peur, à sortir
de force de leur tanière, pour aller à
la rencontre des autres ; ce n’est pas du faire semblant avec la
bouche, cela veut dire poser des actes concrets au quotidien, et envers tous
sans exception, des actes d’amour pour le prochain, des actes de partage, pour
le bonheur des uns et des autres.
Comment pouvons-nous imaginer que pendant que des milliers de
familles endeuillées pleurent leurs enfants tombés injustement sous les balles
d’un ennemi qu’ils ne connaissent pas, que des villages entiers se vident de
leurs habitants, pour un ailleurs, en quête d’un mieux vivre, que des
compatriotes en nombre toujours croissant
croupissent dans une misère qui n’honore pas les princes qui nous
gouvernent, dans un pays aux richesses multiples et variées mais constamment
détournées sans contrôle, que ces princes organisent dans un faste à nul autre pareil ce qu’ils appellent pompeusement la fête
de l’unité. Le monde
entier avait les yeux rivés sur le boulevard du 20 Mai et le Palais d’Etoudi, ce
temple de l’unité, à l’idée de lire dans les yeux et sur les visages des uns et
des autres la tristesse, la désolation, la peine et l’angoisse. Que nenni. A la
place, qu’avons-nous vu ? Des
militaires danser sous les acclamations d’une foule en liesse,
admirative, des militaires qui dansent pendant que le pays se meurt, que le
pays est en guerre, des youyous à tout
rompre à l’arrivée du ‘’Messie’’ sous forte escorte de
policiers, gendarmes, militaires et autres gardes du corps, à bout de souffle,
agrippés à la Mercedes blindée et
dernier cri de l’homme qui préside aux destinées du pays. Au Palais de l’Unité,
le spectacle était plus révoltant encore.
.On y côtoyait ce qui est censé être la crème de la Nation,
mais c’était plutôt pour l’essentiel un parterre hétéroclite, venu on ne sait
d’où, chacun jouant des coudes pour se trouver aux premières loges sur le passage du Président,
lui serrer la main et si possible se voir honoré de quelques civilités, je
dirais… saisies à la volée.
Oui ! Du
rarement vu ! On a en effet rarement vu au monde un peuple de l’espèce du
peuple camerounais.
Le jour du 2O Mai aurait dû être pour le Cameroun une journée
de réflexion pour un
peuple en guerre et en quête de solutions pour l’avenir du pays, une journée
de recueillement à la mémoire des compatriotes qui nous ont
injustement quittés. Pour Paul BIYA et ses affidés, le 2O Mai n’aura été
qu’une journée
de fanfaronnade et de gloriole. Ils fêtaient en effet pour avoir vu les rangs s’étoffer à la place du 20
Mai, sans la moindre étincelle, sans la moindre bavure ; ils fêtaient pour
avoir démontré, croient-ils, aux
prétendus alliés du Cameroun que la force, la légitimité et la légalité sont
toujours de leur côté. C’est à la fois puéril et irresponsable. Les divers
commentaires sur le spectacle dont nous a généreusement gratifié le couple
présidentiel ne font qu’augmenter notre écœurement. Que la Reine Chantal Biya
ait perdu des kilos, en quoi l’avenir du Cameroun est-il concerné. Sans cynisme
aucun, ce fait nous ramène-t-il les
milliers de camerounais disparus, tant du côté des forces publiques que
du côté de la société civile, et à jamais perdus par son fait et celui de son
déifié d’époux ? Je m’interroge !
Le moment venu, ne venez surtout pas nous demander pardon et
dire « nous avions les mains
et les pieds liés ». Il sera trop tard pour l’éveil des
consciences. Nous en avons assez des pères de la nation. Un Président de la République
est un mandataire du Peuple Souverain. Il doit en tout temps rendre compte à ce
Peuple et ce n’est pas au Peuple de lui rendre compte. Le peuple est son
mandant, n’inversons pas les rôles. Aujourd’hui le Président Biya nous parle de
‘’pardon’’, savoir pardonner pour organiser
l’avenir. Qu’a-t-il fait au moment où, tout auréolé de la gloire dont son
illustre prédécesseur l’avait gratifié,
le pays était calme, prospère et respecté. Longtemps il nous a tenus par la
peur, aujourd’hui la peur a changé de camp
D’aucuns
disent que le pays vit les heures de la succession de Monsieur Paul Biya,
Président de la République. Il est vrai qu’aux yeux de tout observateur
objectif et de bonne foi, notre Président donne les signes physiques d’un homme
malade. Mais serait-il malade au point
que l’on puisse évoquer le problème de sa succession ?
DU RAREMENT VU
De
parler de la succession d’un Président qui vient à peine d’être élu à plus de
71% du corps électoral. Cela signifie que son état de santé est tel qu’il serait dans l’incapacité
physique ou morale d’exercer les pouvoirs liés à sa charge, bref d’assumer sa
charge de gouverner le pays au mieux des intérêts de tous. Or, il n‘échappe à
personne et il ne saurait surtout pas vous échapper que le Cameroun vit une des
périodes les plus difficiles de son histoire, confronté à des problèmes
multiformes : la crise anglophone dans le NOSO, les perturbations imposées
par la nébuleuse BOKO HARAM dans le grand Nord, le nombre sans cesse croissant
de migrants en provenance des Etats voisins, eux aussi en troubles, l’
insécurité dans laquelle vit le Cameroun et qui porte gravement atteinte à
l’économie du pays, la chasse ouverte par l’opération ‘’Epervier’’ en lutte
contre ceux qui portent atteinte à la fortune publique, le tribalisme exacerbé
comme arme de gouvernement, l’état de nos villes et de nos hôpitaux, ce sont-là
autant de sujets qui meublent au quotidien notre actualité.
La
gravité de toutes ces préoccupations nécessite que le ’’Navire-Cameroun’’ ait à son bord un Capitaine solide, sûr, qui non
seulement a la confiance du plus grand nombre de ses compatriotes, mais dispose
de toutes ses
facultés physiques, mentales, intellectuelles, que sais-je encore, pour assumer les plus hautes fonctions attachées
à sa charge du Premier d’entre nous.
Je
n’ai pas besoin de vous dire que pour le citoyen lambda que je suis, ces bruits
qui courent et parcourent le monde sont pour le moins alarmants. Aussi,
avons-nous besoin d’être informés, éclairés pour bien augurer de l’avenir avec
optimisme. Je n’ignore pas que beaucoup d’entre vous êtes membres du RDPC,
parti politique majoritaire au pays dont notre Président de la République est
aussi le Président. Mais comme vous le dites vous-mêmes en bombant le torse,
vous êtes députés de la Nation, représentants du peuple souverain, et en cela,
vous avez bien raison. Vous avez entre autres missions de veiller aux intérêts
supérieurs de l’Etat, et l’état de santé du Chef de l’Etat en est un.
Parler
de l’état de santé du Chef de l’Etat est au Cameroun, semble-t-il, un sujet
tabou, une provocation, un appel à la déstabilisation. Mais Paul Biya n’est pas
un chef dans la tradition de nos
ancêtres. On ne devient pas Chef, on
naît chef. En démocratie, Paul Biya est un élu du peuple, de ce peuple
souverain qui lui a confié la gestion de son destin. A ce titre, il a des
comptes à lui rendre, surtout sur son état de santé, car il faut que ce peuple soit
assuré qu’il dispose encore de l’énergie nécessaire pour accomplir la lourde tâche
qu’il lui a confiée pour la survie des millions de ses compatriotes. Paul Biya
n’est pas un Dieu, il est, comme nous, un
simple être humain, né des entrailles d’une femme, et partant appelé à être
malade, et à mourir. On finira par l’annoncer, mais on ne mettra pas le
Cameroun dans la tombe avec lui et il n’emportera pas non plus le Cameroun avec
lui au paradis, si tel pourrait être son chemin.
Honorables,
tout en ayant raison gardée, vous avez le devoir de défendre l’honneur de ce
pays qui vous a donné mandat de le représenter sans que des leçons nous
viennent d’ailleurs. Il ne s’agit pas du nombre d’années que le Président
Biya a passées au pouvoir, ni de son âge
civil, mais tout simplement de son état de santé que vous, comme nous, n’étant
pas des spécialistes du monde médical, ne pouvons apprécier qu’aux dires des
experts, et je crois savoir que vous avez votre mot à dire dans les cas
d’impeachments, mais vous ne pouvez valablement et objectivement le faire
qu’après recours à l’avis des spécialistes. C’est l’objet de cette lettre que
je me suis donné le droit de vous adresser. Nous ne vivons pas en autarcie et
nous devons tirer des leçons du monde qui nous entoure. C’est grâce à un
certificat médical exigé des Avocats des barreaux d’Algérie que le Président
BOUTEFLICKA a été amené à renoncer à la
quête d’un cinquième mandat. Il est temps que le peuple camerounais, par sa
représentation nationale, prenne ses responsabilités pour éviter au pays une
dévolution monarchique du pouvoir. La guerre de succession a sa solution dans
le verdict des urnes, démocratiquement, loyalement et légalement organisé.
Ceux
qui trouvent leur compte dans l’exercice actuel du pouvoir, soit matériellement,
soit pour des raisons ethno-tribales, verront dans ma démarche, à n’en pas
douter, plus une volonté de déstabilisation du régime que le souci d’éviter au
pays une descente aux enfers dont il ne pourra se relever qu’au prix de
sacrifices incommensurables que le bon sens et un sentiment quelque peu
patriotique auraient permis d’éviter.
Chers
Honorables, vous n’êtes pas des mercenaires dans ce pays qui vous a vus naître
et vous a certainement tant donné pour le laisser aujourd’hui dépérir sans
réagir, et sous vos yeux. S’il y a un vide juridique qui puisse faire obstacle
à votre démarche pour parvenir à une situation d’impeachment que seul le
Conseil Constitutionnel est autorisé à constater, alors faites œuvre créatrice
qui servira de précédent pour les générations futures afin d’éviter ce ridicule auquel le Cameroun est exposé. Et
la Patrie vous le revaudra.
(*) Président du Mouvement Social pour la Nouvelle
Démocratie (M.S.N.D)
Ancien Bâtonnier de l’ordre
Avocat au Barreau du Cameroun
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